Jodorow : un scénariste mystique et inclassable

«Maintenant que j’ai soixante ans et que j’en suis à la moitié de ma vie, il est temps que je fasse quelque chose.» Ces propos ne sont pas ceux d’un paresseux optimiste, mais sortent de la bouche ironique d’Alexandro Jodorowsky dont l’œuvre est aussi prolifique que polyvalente. A tel point qu’il est difficile de parler de lui sans prendre le risque de n’effleurer que les contours de ce personnage fascinant. Tour à tour homme de théâtre, écrivain, scénariste de BD, fondateur (avec Arrabal et Topor) du groupe Panique et créateur d’une thérapeutique spirituelle, «Jodo» a vécu plusieurs vies avec la même passion.

Eclectique, mystique, fantastique et onirique sont les qualificatifs qui s’appliquent parfaitement à ce Chilien d’origine russe qui, après un long séjour mexicain, est aujourd’hui installé en France. Ce cinéaste de légende a, par le passé, signé la réalisation de films-cultes tels que «El topo», «Tusk» ou «La montagne sacrée», et travaillé sur le premier projet d’adaptation de «Dune» au cinéma qui a considérablement influencé le cinéma fantastique américain. En 1989, Alexandro Jodorowsky a réalisé «The rainbow thief», avec Omar Sharif, Peter O’Toole et Christopher Lee, et «Sang sacré», qui ont reçu le premier prix du Festival fantastique de la ville de Paris (paradoxalement, ce dernier est sorti un peu partout dans le monde sauf en France, les distributeurs l’ayant trouvé trop sanglant). Avant de se rendre à Avoriaz, où il est l’un des membres du jury, Jodorowsky prépare avec Moebius le scénario de son prochain film, «La folle du Sacré-Cœur», tout en restant très critique à l’égard du septième art. «Le cinéma, c’est la guerre : il faut se battre pour trouver de l’argent, lutter contre les producteurs, composer avec les éléments, tirer le meilleur des comédiens et des techniciens.

MoebiusEt surtout se méfier de soi-même. Pendant un an, il est interdit de tomber malade ou de se décourager. Lors du tournage de mon dernier film, je ne parlais à personne pour rester totalement concentré. Pendant quatre mois, j’ai eu mal à une dent et j’ai supporté la douleur, car je n’avais pas le temps d’aller chez le dentiste.» Cela explique sans doute pourquoi ce brillant esprit aime à retrouver le calme apparent de la bande dessinée dont il est l’un des scénaristes les plus demandés (rappelons qu’il a créé, entre autres, «L’incal», avec Moebius, ou encore «Alef Thau», avec Arno). Pour preuve, il travaille aujourd’hui avec dix dessinateurs, de la superstar Moebius à un petit nouveau dont il avoue «ne pas avoir encore retenu le nom.» Jodorowsky est incontestablement l’un des scénaristes les plus géniaux qu’ait connu la BD bien qu’il s’en défende : «C’est normal que l’on me sollicite autant car nous ne sommes pas beaucoup de scénaristes.

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