«Journée où je ne ris pas est une journée foutue»

Tête de loubard, cœur de rocker, langage en acier trempé. Et du talent plein les tripes. Gérard Lanvin a un style, mais fuit les étiquettes. Surtout les tragédies. Il veut rire et faire rire, parce que ça « lui fait du bien à la tête». Avec«Les frères pétard», une fois de plus, c’est réussi… 37 ans, le sourire carnassier du jeune loup pas du tout décidé à se laisser imposer une conduite d’acteur, la pupille pétillante de tous les plaisirs et stress de sa génération, la carrure carrée à l’image de ces nouvelles stars du cinéma français qui découvrent, dans le sillage de Belmondo et Delon, que le corps est aussi important que la sensibilité intérieure… Voici le comédien Lanvin à un moment de sa carrière qu’on aurait envie d’appeler… un sommet et un tournant. Ou encore la maturité! L’itinéraire Lanvin, on en connaît les grandes étapes. Le mec vendant des fringues aux Puces et découvrant le petit monde du café-théâtre. On commence avec une pioche pour aider les copains à transformer un garage en salle de spectacle et on se retrouve sur scène. Les débuts au cinéma, en chevalier blanc chantant comme Mariano, grâce à Coluche dans «Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine», puis un cinéma plus intello dans les dialogues duquel Lanvin met souvent son grain de sel. Normal! Il a, pendant des années, écrit avec Coluche. Sans l’accent «parigot-tête de veau» du Sieur Gérard et ses formules à l’emporte-pièce, ses personnages d’«Extérieur nuit» de Jacques Bral ou d’«Une semaine de vacances» de Bertrand Tavernier seraient-ils aussi inoubliables? Puis, au début des années 80, une graine de star qui se cherche et s’égare dans un cinéma plus commercial, comique ou policier. Grâce à un film comme «Une étrange affaire» de Pierre Granier-Deferre, Lanvin montrait la modernité et la subtilité de son jeu dramatique. Avec un succès populaire comme «Tir groupé» de Jean-Claude Missiaen, le même Lanvin devenait une tête d’affiche avec cote d’amour en hausse auprès du public. En s’égarant dans des œuvrettes comme «Le prix du danger d’Yves Boisset ou «Ronde de nuit» de Missiaen, le fringant Gérard prouvait qu’il pouvait être aussi un acteur physique. Mais Gérard Lanvin, malgré les sourires gourmands des producteurs lui apportant des films sur un plateau, ne se sentait pas bien dans son petit costume de vedette à la mode. Lanvin se cherchait… une famille. Une nouvelle famille! Après celle de Coluche et du café-théâtre, il a trouvé celle de Christian Fechner, le producteur. Ensemble, ils ont fait, à ce jour, quatre films et ont beaucoup de projets en commun. «Marche à l’ombre» de Michel Blanc et «Les spécialistes» de Patrice Leconte firent les beaux jours du box-office cinématographique français. Et Gérard Lanvin, la «révélation» déjà par deux fois «révélée», se «révélait» à nouveau comme la nouvelle valeur sûre du cinéma français, le nouveau Belmondo, l’homme des années 80, le must de tous les magazines people, l’homme et le comé-dien branchés sur son époque, etc., etc., etc. En France, on n’a pas le sens de la mesure devant le succès. Ni les médias, ni les professionnels du cinéma, ni même les intéressés eux-mêmes à qui la gloire peut, quelquefois, faire oublier la fugacité de l’éternité… Abonné dorénavant au rythme d’un film par an, Gérard Lanvin consacra son année 1985 à la Co-écriture et aux dialogues de la comédie sentimentale très contemporaine «Moi vouloir toi» de Patrick Dewolf où il partageait l’affiche avec son épouse Jennifer. Mais cette love story, entre une jeune femme branchée musique (Jennifer est chanteuse) et un animateur-radio de NRJ (Lanvin est un homme de mots), rat des villes et rat des champs (comme le personnage, Lanvin possède son îlot secret entre une pinède et une plage de sable, dans le Médoc… tout en étant obligé de travailler à Paris), fut un échec. Pour faire exploser les records de recettes, le beau Gérard est-il condamné à faire équipe avec un autre mec? Doit-il être le copain fidèle et exaspéré traînant avec lui… l’autre? Le copain des coups durs? L’indispensable? Les frères pétard », la Q4 cuvée Lanvin 86, devrait répondre à cette angoissante question dès que le film aura éclusé son comptant de spectateurs à Paris et en province. Car, après Michel Blanc et Bernard Giraudeau, Lanvin se met en couple avec Jacques Villeret.

Jacques Villeret Jusqu’au jour de sa sortie, «Les frères pétard» aura connu quelques mauvaises volontés de la Commission de censure. Au moment où le ministre Chalandon a décidé de pourfendre drogués et dealers avec l’épée et le bandeau sur les yeux de Dame Justice, Hervé Palud, Fechner, Lanvin, Villeret et les autres se sont lancés dans cette comédie-farce où deux dealers-ringards vendent à la sauvette des euphorisants à fumer et plongent dans un Paris nocturne et punk très mode. Pour le film, Lanvin s’est coupé les cheveux et s’est affublé d’un pantalon collant en peau de fauve synthétique, d’un chapeau tyrolien où la plume serait remplacée par un Walkman hifi ainsi que des babioles aux doigts et autour des poignets. « Pendant le tournage, je suis sorti dans la rue, se souvient Lanvin. Avec le costume de «frère pétard», j’ai acheté des cigarettes au bistrot du coin. Et les mecs me disaient : «T’es Lanvin ? T’es Lanvin! Tu t’es coupé les cheveux». Mais l’accoutrement, ils n’ont pas remarqué. Aujourd’hui, tous les looks sont possibles… Ce film est un asile de fous, la rencontre avec un tas de personnages bizarres, propres sur eux, mais bizarres. Par rapport aux fringues et aux comportements, ça fonctionne complètement sur la folie. Que ce soit nous il y a dix ans ou les jeunes aujourd’hui, il y a toujours les mêmes plans infernaux pour frimer. On est une génération d’après 68 qui s’observe et rigole d’elle-même. Ces deux mecs ont tout de même 37 piges, l’un et l’autre, et continuent à utiliser le verlan, vivent d’expédients et plongent dans n’importe quelle combine. Ca tombe sur la drogue parce qu’ils voient là l’occasion de faire de l’argent, mais ils ne l’utilisent pas. C’est Laurel et Hardy, les Pieds nickelés à deux au lieu de trois. Le principe fondamental, c’est de faire rire. Quand j’ai lu le scénario d’Hervé Palud, j’ai hurlé de rire. Pour une fois, il n’y avait rien à retravailler». Mais, au spectacle de ces «Frères pétard» qui osent faire rire avec un sujet aussi dramatique et actuel que la drogue, on entend les dents grincer. «Le film aborde le problème sans faire un tas d’histoires. Au contraire, il essaye de démystifier complètement le truc. On a été élevé avec ce problème. Des copains en sont morts, d’autres se sont défoncés. C’est grave et on en a conscience. Mais il y en a marre de parler de ça d’une manière sinistre. La parodie, c’est une façon d’exprimer notre ras-le-bol des clichés-premier degré. La parodie n’accorde pas autant d’ampleur aux choses et évite de donner à ceux qui se choutent en cachette dans les toilettes, l’idée de se prendre pour des mecs exceptionnels!» Pour bien faire comprendre ses intentions, l’équipe des «Frères pétard» a d’ailleurs mis, en exergue de son film, une citation de Coluche : «Si on ne peut plus rire des trucs sérieux, de quoi va-t-on rire?» L’ombre de Coluche plane sur la carrière de Gérard Lanvin. Après avoir écrit pour lui des sketches, après avoir joué avec lui sur scène (notamment dans «Ginette Lacaze» et avoir été dirigé par lui dans «Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine», leurs chemins professionnels se sont éloignés. Mais l’esprit Coluche semble plus présent que jamais chez Lanvin—comme chez beaucoup d’autres comédiens de la même génération café-théâtre. Il aurait été indécent de demander à Lanvin de parler, aujourd’hui, de son ami Coluche. La blessure est trop fraîche. Pourtant Lanvin m’avait longuement parlé de Coluche, lors du portrait TV que nous lui avions consacré avec Mara Villiers, sur TF1, en décembre 1983. Coluche, qui tournait en Italie «Le bon roi Dagobert», avait pris spécialement l’avion pour être présent aux côtés de son pote et chanter avec Jennifer et lui. Hors émission, Lanvin m’avait confié : «Coluche a toujours été un vrai pote. Il m’a accueilli chez lui. J’ai travaillé avec lui pendant cinq ans. Avec lui, j’ai ri comme jamais plus je ne rirai. Coluche fait partie de l’univers de mes personnages. C’est un mec qui se cache toujours derrière l’humour. S’il ne sait pas dire à quelqu’un «Je t’aime», il trouvera cinq cents formules marrantes, à exploser de rire, ou déroutantes pour certains qui n’ont pas d’humour. En fait, c’est sa façon de dire «Je t’aime». Coluche a renouvelé tout un langage. Il est le chef de file de notre génération. Il a tout changé. Il a amené ce qu’on pourrait prendre pour de la vulgarité, mais qui est en fait un défoulement. La vraie vulgarité, c’est d’assassiner les gens ou de nous intoxiquer de bombes atomiques. La vulgarité, ce n’est pas de faire rire! Depuis « Marche à l’ombre», Gérard Lanvin le dit haut et fort : il a enfin trouvé sa famille. «Pour ce film, on est resté cinq mois à travailler tous ensemble. Ce qui est très rare dans un métier où tout le monde enchaîne film sur film. Souvent, un metteur en scène te file un scénar et t’as plus le droit de le voir parce que tu lui casses les couilles. Là, les bureaux de Christian Fechner étaient ouverts. On se connaissait tous très bien. J’ai enfin eu la chance de rencontrer un producteur qui a pris le temps de m’écouter et qui m’a permis de lui donner des idées sur ce que j’avais envie de faire. Je ne veux plus tourner des films dans lesquels je ne sois pas complètement impliqué». Lanvin, qui suit son «film par an» de la naissance du projet à sa finition, montage compris, est décidé à se consacrer exclusivement au comique. «Personnellement, je n’ai pas envie de retourner vers le dramatique. Pour moi, une journée où l’on ne rit pas est une journée foutue. Je veux rire et m’éclate avec les potes qui jouent avec moi dans un film. Et, si les gens rient dans la salle de cinéma, c’est parce qu’il y a un feeling qui passe. Pour moi, chaque film est une«éclaterie» supplémentaire. Plus ça va, plus j’irai vers des films comiques. Je suis un acteur de comédie qui à fait ses classes dans quelques films dramatiques. De toute façon, on peut tourner n’importe quelle situation en comédie, même un drame psychologique, à partir du moment où il y a le décalage de l’humour.» «Jouer pour moi, c’est d’abord m’amuser avec sincérité. Je suis acteur parce que ça me permet de vivre confortablement, mais surtout d’être bien dans ma tête. C’est pourquoi un ou deux films par an c’est largement suffisant. Il faut vivre autre chose.» A l’image du personnage qu’il s’est imaginé dans «Moi vouloir toi», Lanvin s’est installé loin de Paris, au sud de Bordeaux. «A Paris, chaque fois qu’on voit un mec, c’est «Attends, excuse-moi, il y a le téléphone qui sonne». Là-bas, je puise mon énergie. S’entourer de gens qu’on aime, avoir une famille, faire des breaks importants pour se recharger, voir les copains… c’est capital! Pendant dix ans, j’ai vécu dans les boîtes, les enfers et tout ça… maintenant, ça ne me fait plus marrer. Grâce à mon boulot, j’ai pu avoir un peu de sous et réaliser ce rêve, avoir un endroit où je peux être tranquille». Bizarrement, et malgré la rime, auto et vidéo n’ont pas beaucoup flirté ensemble. Si l’on excepte les utilisations technologiques de la vidéo pour les retransmissions de courses automobiles (caméras fixées dans les voitures, etc.) et les utilisations institutionnelles (cassettes professionnelles des constructeurs à l’usage de leurs concessionnaires), en matière de diffusion de cassettes grand public, c’est le… grand désert. Il y a pourtant des (milliers de) fanas du loisir automobile qui ont un magnétoscope et vice-versa. Est-ce l’échec des vidéo magazines dans les vidéoclubs qui a refroidi les éditeurs ? Saluons donc avec d’autant plus de force les initiatives qui nous permettent de retrouver quelques monstres sacrés à quatre roues sur bande magnétique. Et puis, passion aidant, profitons de la traditionnelle période du Salon de l’auto pour faire un balayage plus large de l’actualité non seulement à travers les vidéoclubs, mais aussi à travers les librairies spécialisées. Votre ceinture est bouclée ? Alors, on démarre…